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Bibliothèques & sciences sociales en France
XIXe-XXe siècles
Pour la revue Les Etudes sociales (2e semestre 2017, n° 166)
Matthieu Béra (coordinateur)
Le projet
De plus en plus souvent, les bibliothèques sont prises en compte dans les recherches en sciences sociales. Elles le sont traditionnellement par les historiens qui s’inscrivent dans une histoire des livres et de la lecture (savante et populaire). Plus récemment, les bibliothèques ont attiré l’attention de l’anthropologie du travail savant. Si l’on exclut la sociologie contemporaine de la lecture qui travaille sur le lien entre publics de lecteurs et infrastructures, usages et usagers, il est rare de voir les bibliothèques dans les études de sociologie et de sociohistoire. Elles font de petites apparitions dans les biographies intellectuelles, à une place encore bien modeste à côté de ce qu’elles devraient occuper, étant donné l’importance de la lecture dans le travail intellectuel et la production des SHS en général depuis le XIXe siècle.
Ce dossier voudrait contribuer à accroître la prise de conscience de l’importance des bibliothèques et des bibliothécaires pour l’étude des sciences sociales et de leur histoire, tant au niveau individuel que collectif (la construction de groupements de savants, le développement de fonds de sciences sociales). Les bibliothèques et leurs personnels ont constitué des ressources pour le développement culturel et scientifique, qui sont trop négligées. Leur prise en compte, y compris dans leurs aspects techniques, pour étudier le processus de production de savoirs mériterait à n’en pas douter une sorte de « biblio turn ».
Symétriquement, ce dossier voudrait montrer ce que les sciences sociales peuvent apporter à la connaissance des bibliothèques (usages et usagers, sociabilité, etc.) du XIXe au XXe siècles. Dans cette vaste période, on exclut néanmoins les questions d’informatisation (depuis les années 1960) et de numérisation (années 2000) qui soulèvent d’autres enjeux. De même, les enquêtes « récentes », fondées sur les sondages, qui sont légions et donnent lieu à une vaste littérature sur la lecture publique depuis les années 1980 n’entrent pas, a priori, dans ce cadre. La voie historique est privilégiée. L’iconographie, si besoin, pourra être intégrée à un niveau modeste.
Les articles du dossier pourront s’inspirer des axes d’études suivants.
Axe 1- Savants (des sciences sociales) et bibliothèques
Les savants entretiennent un rapport complexe aux bibliothèques dans lequel trois niveaux peuvent être distingués.
Les savants peuvent être étudiés dans leurs relations à leurs propres bibliothèques grâce aux inventaires. Certaines de ces bibliothèques privées ont été conservées en l’état ou versé dans des fonds existants (Locke, Mill, Mauss, Hertz, Bouglé, Le Bras…). Présenter un fonds est en soi une belle avancée. Toute contribution qui porterait sur une bibliothèque de « savant » (philosophe, juriste, économiste, historien, sociologue, anthropologue, psychologue, etc.) sera la bienvenue.
L’étude des savants en situation de travail dans une bibliothèque publique peut aussi être envisagée : que lisent-ils ? A quels moments de leur carrière et de leur œuvre ? Dans ce cas, on insistera sur la dimension méthodologique d’une telle recherche : comment est-il possible d’approcher des pratiques savantes en situation, compte tenu des matériaux d’archives ? Dans cette perspective, toutes les bibliothèques sont intéressantes, de la Bnf aux bibliothèques municipales et populaires. Des enquêtes « historiques » mériteraient également d’être exhumées, comme celles de la commission Mérimée (1858), ou celle qui concerna la Bnf en 1876, ou bien encore celle sur la salle B « tout venant » de la Bnf, etc.
Enfin, les savants ont été aussi les vecteurs du développement de bibliothèques populaires ou municipales, portées par des sociétés savantes, comme c’est le cas pour les musées et les sociétés d’amis de l’instruction. On pourra s’interroger sur les publics de ce type de bibliothèques, encore mal connus, du XIXe jusqu’aux premières enquêtes modernes par sondages.
Axe 2- Collectifs de savants et bibliothèques institutionnelles
Toujours dans les pratiques savantes, il est également possible de songer à des collectifs qui se sont souvent constitués et perpétués, précisément, en prenant appui sur une bibliothèque, un centre de documentation, qui constituent à la fois un matériau essentiel pour travailler et un lieu de sociabilité. Nombreuses sont les institutions qui furent construites à partir d’un centre de documentation. La bibliothèque est ainsi conçue comme un « laboratoire », au sens de la sociologie des sciences.
L’entreprise bibliographique, qui n’est pas si éloignée d’une bibliothèque matérielle, peut aussi constituer un objet d’étude. On pense au « BB » (Bulletin bibliographique) des Archives de sciences sociales des religions du Groupe de sociologie des religions. Ces entreprises de revue systématique de la littérature scientifique sont, d’une certaine façon, des bibliothèques, à tout le moins des dispositifs de production de collectifs fondés sur des projets bibliographiques idéaux.
Les bibliothèques des institutions de recherche entrent évidemment dans ce cadre (Musée pédagogique, Musée de l’homme, Centre de documentation sociale de Bouglé, Musée social, l’Institut français d’histoire sociale, l’Institut d’ethnologie, Centre d’études er de recherches marxistes, Saulchoir des Dominicains, bibliothèque franciscaine des Capucins, celles des obédiences franc-maçonnes, etc.). Les figures associées à ces centres et bibliothèques font partie des recherches.
Axe 3- Métiers et techniques des professionnels des bibliothèques
Cet appel inclut l’étude du personnel des bibliothèques qui s’est professionnalisé progressivement à partir du XIXe siècle (associations professionnelles, congrès, revues, techniques bibliographiques, systèmes de classification, formations, etc.). Cette professionnalisation, rapportée au domaine des sciences sociales, est en soi un sujet.
Il y eut des bibliothécaires célèbres, comme Lucien Herr à l’ENS, dont l’influence sur des étudiants et savants est connue mais peu étudiée en tant que telle. D’autres sont moins connus, en dépit de leur fonction essentielle : accompagner et guider les lecteurs, développer des fonds de sciences sociales. La figure d’Yvonne Oddon pour le Musée de l’Homme mérite d’être rappelée, tout comme celle, plus proche de nous, de Colette Chambelland au Musée social.
Autre variante : certains savants ont occupé des responsabilités de bibliothécaire à un moment de leur carrière, comme François Simiand au CNAM ou Vacher de Lapouge à la BU de Montpellier [1]. Leur activité en tant que telle pourra être présentée, en relation avec leurs travaux et recherches.
Les techniques de bibliothéconomie qui visent à se repérer parmi des centaines de milliers d’ouvrages et périodiques, à « scientifiser » les catégories de classements, à améliorer les services bibliographiques pour les lecteurs, font partie des éléments à étudier dans ce dossier. Cet appel s’adresse donc aux professionnels des bibliothèques désireux de décrire la naissance et le développement d’un fonds spécial, l’histoire d’une bibliothèque, de présenter une archive de bibliothèque, tout objet qui puisse faire avancer la connaissance sur ces institutions essentielles au développement des sciences sociales.
Calendrier
Les propositions (1 500 signes max.) sont à envoyer à : Matthieu Béra (bera@u-bordeaux.fr ou bera.dimitri@gmail.com) et Frédéric Audren (frederic.audren@sciencespo.fr) pour le 21 novembre 2016. Elles comprendront le sujet et l’axe dans lequel elles s’inscrivent, ainsi que des indications sur la problématique, les sources (terrain, matériau), la méthode.
Les textes (50 000 signes, respectant la feuille de style de la revue), issus des projets retenus, devront être envoyés pour le 1er avril 2017. Après évaluation par le comité de rédaction et ses experts, les versions définitives seront à remettre, au plus tard, le 1er juin 2017, pour une parution au 2nd semestre 2017.
Bibliographie indicative
Baciocchi (S), « Livres et lectures de Hertz », dans Hertz. Un homme, un culte et la naissance de l’ethnologie alpine, Actes de la conférence annuelle du CEFP, Cogne, 2013.
-« Reconstruire des réseaux intellectuels par la bibliothèque : les archives Hertz », communication au colloque De Mauss à Lévi-Strauss : les bibliothèques de chercheurs et la construction des savoirs (19e-20e siècles), Quai Branly, février 2013.
Baratin (M) et Jacob (C) (dir.), Le pouvoir des bibliothèques : la mémoire des livres en occident, A. Michel, 1996.
Barbier (F.), Histoire des bibliothèques. D’Alexandrie aux bibliothèques virtuelles, Colin, 2013.
Barnett (G.), Histoire des bibliothèques publiques en France de la Révolution à 1939, éd. Promodis, 1987.
Bert (J-F.), L’atelier de Mauss, CNRS éd., 2012.
-Colloque De Mauss à Lévi-Strauss : les bibliothèques de chercheurs et la construction des savoirs (19e-20e siècles), Musée du Quai Branly, 2013.
Bertrand (A-M.) et Alix (Y.), Les Bibliothèques, La Découverte, 2015 (1998).
BBF (Bulletin des bibliothèques de France), en ligne.
Blasselle (B.), Sanson (J.), La Bnf : mémoire de l’avenir, Gallimard, 2006.
Bibliothèque des amis de l’instruction du IIIe arrondissement
Chartier (R.), Pratiques de la lecture, Payot, 1992.
Christen (C.), « Les bibliothèques populaires : un remède à la question sociale dans la première moitié du XIXe siècle ? », dans Sandras (A.) (dir.).
Fouché (P.), Péchoin (D.), Schuwer (P.) (dir.), Dictionnaire encyclopédique du livre, 3 tomes, Éd. du Cercle de la librairie, 2002-2011.
École Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothèques.
Fayet-Scribe, (S.), Histoire de la documentation en France, éd. CNRS, 2000.
Foucaud (J-F.), La Bnf sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), BNF, 1978.
Galvez (M.), La Bnf sous l’administration de Taschereau, thèse des Chartes, 2010.
Jacob (C.) (dir.), Les lieux de savoirs, 2007 et 2011, Albin Michel, 2 volumes.
Loyer (E.), Lévi-Strauss, Flammarion, 2015.
Poulain (M.), (dir.), Pour une sociologie de la lecture, Ed. Cercle de la librairie, 1988.
-(dir), Histoire des bibliothèques françaises. 4 : Les bibliothèques au XXe siècle, 1914-1990, éd. Cercle de la librairie, 1992.
-Livres pillés, lectures surveillées : les bibliothèques françaises sous l'Occupation. Paris : Gallimard, 2008.
Quéniard (J.), Les Français et l’écrit, XIIIe-XIXe siècles, Hachette, 1998.
Richter (N.), La lecture et ses institutions, 1919/1989, Éd. Plein Champ, 1989.
Salmon (L.), dir., Le laboratoire de Gabriel Tarde. Des manuscrits et une bibliothèque pour les sciences sociales, CNRS Éd., 2014.
Sandras (A.), (dir.), Des bibliothèques populaires à la lecture publique, Presses de l’ENSSIB, 2014.
Varry (D.) (dir), Histoire des bibliothèques françaises, tome 3, Les bibliothèques de la révolution et du XIXe siècle, éd. Promodis, 1991.
Notes
[1] Cf. J-P Laurens, communication au congrès de l’Association française de sociologie, septembre 2013, Nantes.
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